Déclaration liminaire UNSa Justice au CSA ministériel du 28 janvier 2025

Monsieur le Ministre, Madame la Secrétaire générale, L’UNSa Justice, le syndicat majoritaire du ministère de la Justice, vous réitère ses félicitations pour votre nomination à la tête de ce ministère régalien qui a la particularité d’être bien davantage qu’un simple service public puisqu’il porte le nom d’une vertu et relève d’une autorité constitutionnelle : l’autorité judiciaire, déclinaison du pouvoir judiciaire de la théorie de Montesquieu. Voilà un mois jour pour jour, que vous avez pris les rênes du ministère de la Justice en qualité de ministre, garde des Sceaux au sein du « gouvernement Bayrou ». Depuis le 4 décembre dernier, date du vote de la censure par le Parlement à l’encontre du « gouvernement Barnier » sur fond de débat du projet de Loi de finances 2025, et plus précisément sur le volet du financement de la sécurité sociale, le pays est plongé dans l’obscurité budgétaire. La Constitution ayant prévu un outil de substitution provisoire, c’est donc sous couvert d’une Loi budgétaire spéciale, fixant la reconduction du budget 2024, avec un pilotage drastique conduit par voie de circulaires, que la continuité de l’État et de ses services opère depuis le 1 er janvier. Trente et un jours d’exercice en qualité de garde des Sceaux, ministre de la Justice et quasiment autant de sorties médiatiques, d’annonces importantes et radicales…, mais toujours pas de budget pour avancer ! Comme vous le savez, la question des moyens est essentielle pour ne pas dire vitale ! Par conséquent, au-delà des annonces, ce gouvernement se doit de porter et d’obtenir du Parlement un budget pour la Justice à la hauteur des enjeux ! Doit-on rappeler que la Justice de ce pays est très en retard sur les standards européens en matière de budget, que de nombreuses réformes ont été engagées avec de surcroît la construction de 15 000 places de prison, la construction et la rénovation de tribunaux… Tout cela s’inscrit dans une Loi d’Orientation et de Programmation (LOPJ). L’enjeu est de taille pour la Justice et le non-respect, année par année, des engagements budgétaires, aura des conséquences dramatiques. Si nous constatons et saluons votre engagement depuis le tout premier instant de votre nomination, l’UNSa Justice entend aussi et avant tout que nous puissions rapidement dépasser le stade des annonces en discutant sur le fond de celles-ci et des différents sujets que nous portons. Au-delà de la priorité budgétaire, l’UNSa Justice a des attentes très fortes sur différents dossiers généraux, transversaux et catégoriels. L’UNSa Justice souhaite que nous puissions finaliser les travaux s’agissant de la création d’une filière technique ministérielle, avec un corps de débouchés pour les adjoints techniques, corps communs actuels, et l’intégration valorisée des personnels techniques de la DAP. Les mois passent et ces personnels sont toujours dans l’attente. L’UNSa Justice exige que soient aussi et enfin engagés les travaux concernant les personnels administratifs. Voilà plus d’un an que vos prédécesseurs ont répondu favorablement à notre demande et force est de constater que rien n’a été entrepris. Ce dossier est une priorité que nous n’entendons pas oublier ! Certes, il y a l’instabilité politique avec quatre gouvernements et trois gardes des Sceaux en un an, mais nos collègues adjoint(e)s administratif(ve)s, secrétaires administratif(ve)s et attaché(e)s méritent eux aussi d’obtenir la reconnaissance qui leur est due. Nous avons déjà fait savoir au secrétariat général les grandes lignes des dispositifs à faire évoluer afin de valoriser l’ensemble des corps communs, qu’il s’agisse d’avancées indemnitaires, de promotions plus dynamiques ou encore, d’attractivités diverses, comme mettre un terme à l’écrêtage des heures supplémentaires. L’UNSa Justice porte aussi un intérêt particulier à l’action sociale du ministère de la Justice. Force de propositions, nous avons dressé nos exigences et revendications. L’action sociale est importante et nécessaire pour pallier les enjeux sociaux et les accidents de la vie afin d’accompagner au mieux les personnels. Si elle a vocation à tendre la main aux plus démunis d’entre-nous, elle doit demeurer accessible à tous. Par conséquent, gageons que son budget ne sera pas raboté afin de ne pas casser la dynamique engagée sur divers points comme la restauration administrative, le logement, la petite enfance, les séjours vacances (jeunes et familles), le dispositif d’aides aux orphelins… Par ailleurs, s’il est inscrit à l’ordre du jour de ce CSA Ministériel, un point sur la situation de nos collègues et leurs familles à Mayotte, l’UNSa Justice est toujours dans l’attente d’une réponse s’agissant de l’octroi d’une enveloppe dédiée et interministérielle afin de répondre à l’urgence des demandes et besoins d’aides dans un contexte de catastrophe naturelle inédite. L’UNSa Justice est aussi très engagée dans la négociation actuelle sur la qualité de vie et les conditions de travail. Il ne pourra pas y avoir d’accord possible si le ministère ne s’engage pas formellement sur les moyens afin de créer une véritable filière d’acteurs en sécurité et santé au travail, en innovant avec la création d’un fond dédié et en respectant le cahier des charges constitué par un plan d’actions qui devra être ambitieux pour ne plus revivre les trop nombreux drames humains que nous déplorons encore et toujours. S’agissant de l’administration pénitentiaire, après l’émotion de l’hommage rendu à nos camarades Arnaud et Fabrice, tombés au service de la Nation le 14 mai dernier et de l’élévation au grade de Chevalier de l’Ordre National du mérite de nos 3 autres collègues grièvement blessés, votre discours a été fort et lourd de sens. Vos annonces s’inscrivent, semble-t-il, dans une volonté de faire bouger les lignes et de dépoussiérer une administration qui en a bien besoin ! Pour l’UNSa Justice, elles doivent constituer, un point de départ pour redéfinir le sens de la peine et une refonte complète et nécessaire de l’ensemble du système pénitentiaire français. Il n’est plus réformable et un changement radical de cap dans la prise en charge de la population carcérale et des probationnaires doit être opéré sans délai. Alors, serez-vous le garde des Sceaux qui, mettra enfin un terme au « laxisme insupportable de toute la hiérarchie pénitentiaire et au je-m’en-foutisme de la classe politique ? », pour reprendre ce que nous écrivions il y a plus trente ans. La création d’une « narco-prison » ouvre la voie aux établissements pénitentiaires spécialisés et adaptés que notre organisation syndicale revendique depuis 1992. La prise en charge différenciée des détenus en fonction de l’évaluation de leur profil ne peut donc se limiter aux seuls narcotrafiquants. En dépit d’un calendrier contraint, ne restons pas au milieu du gué ! Il est tout aussi urgent de réinstaurer l’ordre et la discipline au sein de nos prisons et de sortir de la détention classique les éléments dangereux qui entretiennent un climat de violence depuis de trop longues années. À chaque détenu son profil pénal et carcéral, à chaque profil son établissement ! S’agissant de la surpopulation carcérale, elle bât mois après mois, tous les records et dégrade sans cesse les conditions de dignité humaine et de travail de l’ensemble des personnels pénitentiaires. Une solution d’urgence et d’ampleur doit être apportée ! Quant à la création d’une direction générale, d’une inspection générale ou encore d’une police pénitentiaire…, ces projets nécessitent que le fond et la forme ainsi que les moyens alloués soient discutés rapidement avec les organisations syndicales représentatives. Les personnels pénitentiaires sont trop habitués aux solutions qui deviennent, par maladresse ou incompétence, un problème supplémentaire à résoudre… Le renforcement du renseignement pénitentiaire est également une bonne nouvelle. Ce service doit bénéficier des moyens humains, matériels et législatifs nécessaires à l’accomplissement de sa mission, prioritairement en faveur de la sécurité des personnels et des structures. Il devra, par ailleurs, s’accompagner d’une évolution de sa doctrine opérationnelle, dans l’objectif d’accroitre l’autonomie du service et de laisser une véritable place à l’expérience et à l’initiative des agents. Aux mots, doivent succéder la concertation et des actes dans l’intérêt des personnels pénitentiaires, de leurs conditions d’exercice et de leur sécurité. Votre premier élément de réponse devra se traduire indubitablement dans le budget 2025. Il devra être à la hauteur des défis, de l’ambition affichée, des objectifs annoncés et des protocoles signés. Sur un sujet catégoriel d’actualité à la DAP, concernant les règles de mobilité des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, l’administration souhaite les toiletter au détriment de la reconnaissance de priorité à nos collègues ultra-marins et cela, malgré la Loi sur l’égalité réelle. Alors que ce pays s’est doté d’une Loi progressiste à l’égard de nos collègues, la DAP prend le chemin inverse et marche ainsi sur les personnels ultra-marins avec la connivence de certaines organisations syndicales. Une honte, quand on sait que celle-ci recrute une forte proportion de ses personnels dans les territoires d’outre- mer ! L’UNSa Justice vous demande de bien vouloir stopper ce recul social, alors même que les deux principales organisations syndicales de ce ministère et de l’administration pénitentiaire y sont opposées au nom de la priorité aux originaires en matière de mobilité. Concernant les Services Judiciaires, l’UNSa Justice dénonce des services en souffrance ! Les politiques, comme les citoyens, relèvent les délais insatisfaisants, les dysfonctionnements qui font la une des journaux, la perte de confiance dans la Justice, le ratio entre efforts fournis et résultats obtenus décevants. Pour l’UNSa Justice, il y a cinq éléments d’explication à ces difficultés, dont quatre concernent les personnels de greffe : – Un problème d’attractivité majeur des métiers de greffe qui dépasse la désaffection connue par la fonction publique. Nombreux sont celles et ceux qui partent. Ce n’est pas l’UNSa Justice qui le dit, c’est le rapport des États généraux de la Justice (forte augmentation des détachements, peu de candidats aux concours, différence de salaire) : il faut continuer sur la voie de la revalorisation des métiers, de la finalisation de la filière technique, de la revalorisation des corps communs et engager enfin la négociation promise pour la filière administrative. – Un Sous-effectif chronique ! D’où l’impérieuse nécessité de respecter les engagements de la LPJ (+ 1800 greffiers, + 1500 magistrats) mais attention au ratio greffe/magistrats. Il faut du personnel pérenne. Pour l’UNSa Justice, il ne peut pas y avoir de réforme à effectif constant ! – Des Logiciels informatiques inadaptés qui créent de l’insécurité juridique, de la perte de temps, de la colère du justiciable… – Un problème de gouvernance qui plombe le fonctionnement des juridictions : l’UNSa Justice a proposé un projet à la DSJ. Il faut repositionner les directeurs sur leur cœur de métier, leur donner les moyens et les responsabilités qui vont avec, en plus de la paye ! Ce sont les directeurs qui ont la formation gestionnaire, ils sont les seuls à permettre les bonnes économies qui s’imposent (gardiennage des véhicules, recouvrement de l’AJ, gestion bâtimentaire…). Les directeurs ont engagé ces dernières semaines des actions pour montrer leur souffrance et notamment hier, lundi 27 janvier. – Une dégradation des conditions de travail : en complément des travaux ministériels, dans le cadre de la formation spécialisée des Services Judiciaires, la DSJ a engagé sous l’impulsion de l’UNSa Justice un travail sur le taux de décharge des AP/CP ! S’agissant de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), nous avons bien compris que le « narcotrafic » est une de vos priorités. Ce sujet est bel et bien à l’agenda de la DPJJ, avec une note déclinant différents dispositifs d’ores et déjà prévus, sans compter l’allocation d ETP. Il s’agit d’une annonce quelque peu miraculeuse quand, dans le même temps, les professionnels et les organisations syndicales ne cessent d’évoquer les problèmes de surcharge de travail dans certaines unités, la nécessité de revoir les normes de prise en charge, sans recevoir aucun écho. Et nous ne reviendrons pas sur l’épisode « RH » de cet été, qui a bien failli mettre notre institution à terre. Donc, si l’UNSa Justice peut se réjouir de voir des nouveaux moyens arriver, comment ne pas y voir un « deux poids, deux mesures » ? Alors, si moyens il y a, qu’ils viennent en renfort là où il y a des besoins. Car ce serait insupportable de créer de nouveaux postes, dont personne ne comprend les périmètres d’intervention ni l’utilité quand, dans le même temps, des besoins essentiels ne sont pas couverts sur certaines unités ! Attention aux effets d’annonce, nous avons le souvenir récent de la mesure d’intérêt éducative mise en place à grand renfort de publicité qui aujourd’hui n’est quasiment pas utilisée, et qui disparaitra probablement faute d’offrir une réelle plus-value dans le panel des réponses proposées. L’UNSa Justice tient également à réaffirmer son attachement aux grands principes de l’ordonnance de 45, telle que l’excuse atténuante de minorité. De la même manière, l’UNSa Justice est opposée au projet de comparution immédiate pour les mineurs. Nous ne cessons de le marteler, mais en matière de prise en charge des adolescents, toute forme de précipitation ne permet pas un accompagnement éducatif indispensable à la compréhension et l’assimilation de la procédure judiciaire et de l’acte commis ! L’UNSa Justice le répète encore, en matière d’éducation, rien ne remplace la prévention et l’assistance éducative ! Nous le constatons trop souvent, les mineurs arrivant à la PJJ ont eu des parcours de vie difficile et pour certains une absence de prise en charge. La situation particulièrement dégradée de l’ASE n’est pas indifférente à cette situation et à ce titre, les pouvoirs publics doivent alloués les moyens nécessaires à cette prise en charge en amont. Alors monsieur le Ministre, nous insistons, sur l’importance d’octroyer à la PJJ les moyens nécessaires et pérennes pour mettre en place ses missions, que ce soit au civil, au pénal mais aussi sur le volet prévention qu’il faut à tout prix préserver ! Concernant le secrétariat général et l’administration centrale, l’UNSa Justice rappelle l’importance des services transversaux et des personnels qui exercent des missions indispensables au bon fonctionnement de l’ensemble des politiques publiques auxquelles doit répondre le ministère de la Justice et les directions métiers. Appartenant pour leur grande majorité aux corps communs administratifs et techniques, sans oublier les agents contractuels, ils méritent eux aussi une légitime reconnaissance et par conséquent, l’octroi d’une enveloppe budgétaire afin de valoriser leurs missions, mais avant tout leur engagement quotidien sans lequel l’Institution ne pourrait fonctionner.


Paris le 28 janvier 2025, Le Secrétaire général, Jean-François FORGET

 


PDF de la déclaration liminiaireUNSa Justice CSA M 28 janvier 2025

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