Revalorisation des pensions : le compte y est-il ?

L’ÉTÉ 2022 FUT VRAISEMBLABLEMENT L’ÉTÉ DE TOUS LES RECORDS, À COMMENCER PAR LES VAGUES SUCCESSIVES DE CANICULE QUI EXPLIQUENT PEUT-ÊTRE CERTAINS COMPORTEMENTS RELEVANT DE L’INCIVILITÉ CHEZ QUELQUES-UNS DE NOS NOUVEAUX DÉPUTÉS, DANS L’ENCEINTE MÊME DE L’HÉMICYCLE.

Mais ce fut assurément le record de valse de tous les chiffres et indices, d’une part, pour chiffrer une inflation galopante réapparue et, d’autre part, pour évaluer, à défaut de le calculer, le déficit du pouvoir d’achat des citoyens Français, et en particulier celui de leurs aînés.

Après un printemps électoral hasardeux, où les vrais dossiers n’ont pas été débattus, les premières semaines de la nouvelle législature ont été à ce point confuses que le Français lambda perdait certains de ses repères, au titre desquels figure la protection du pouvoir d’achat . Force est de reconnaître que débattre, en pleine période estivale, voire caniculaire, puis trancher sur le dossier de la revalorisation des pensions constituait une véritable gageure.

L’appauvrissement des seniors, au-delà d’une simple baisse du pouvoir d’achat constatée depuis une décennie, s’est accentué ces dernières années. Le coup de massue fut à coup sûr l’augmentation du taux de CSG porté à 6,6 % sans contrepartie, contrairement aux actifs. Certes, l’application de ce taux, compte tenu de l’ampleur des manifestions publiques, fut partiellement corrigée, mais elle n’en demeure pas moins injuste et inégalitaire. En dépit du constat objectif d’une baisse du pouvoir d’achat des retraités (a minima -1, 7 %), les pouvoirs publics ont réagi en refusant toute augmentation des pensions en 2018. Comme le rappelle une organisation syndicale concurrente de la nôtre, rejoignant le positionnement de l’UNSa : « les nombreuses mobilisations des retraités en 2018, 2019 et 2020 ont permis que la loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2021 respecte la règle, que les pensions de retraite soient revalorisées en fonction de l’inflation. »

« Au 1er janvier 2021, les pensions de base des secteurs privés et publics augmentaient de 0,4 %. Et cela de façon identique pour tous les retraités, contrairement à l’année 2019, où une indexation différente selon les revenus avait été appliquée. Rappelons qu’en 2018, aucune revalorisation n’avait été retenue… tandis que la CSG augmentait pour beaucoup, ce qui diminuait la pension nette. » Pourtant, ce chiffrage exact de la revalorisation nécessaire des pensions ne paraissait pas si compliqué à arrêter. L’ UNSa Retraités avait, bien en amont des élections politiques, finalisé une revendication intellectuellement honnête et économiquement crédible à hauteur de 7,7 %. Pour l’UNSa, il s’agissait à l’époque d’un rattrapage devant s’ajouter à l’indexation initiale arrêtée par le gouvernement au mois de janvier 2022 à hauteur de 1 % (indexation sacralisée depuis 1993 dans le Code de la sécurité sociale et initialement programmée à chaque mois d’octobre).

Afin de peser dans le débat public, l’UNSa Retraités a lancé une pétition, que nous avons relayée sur notre liste de discussion et qui a été remise après plus de 7 000 signatures au président de la République. L’UNSa Retraités revendiquait, et revendique toujours, une mesure de revalorisation des pensions de 7,7 % au 1er juillet 2022 pour assurer le maintien du pouvoir d’achat des retraités. Elle fait valoir qu’entre 2018 et 2021, les retraités ont subi une perte de pouvoir d’achat de 4 % (hors majoration de la CSG 1,7 %) ; donc une perte de -5,7 %. Au 29 avril 2022, l’INSEE a mesuré une progression de l’indice des prix à la consommation sur un an de 4.8 %, alors que la revalorisation des pensions au 1er janvier se cantonnait à 1,1 %.

QUELQUES CHIFFRES SONT ÉGALEMENT PARLANTS SUR LA PÉRIODE 2008 / 2019 : +12,93 % pour les prix, hors tabac , selon l’INSEE. + 20,3 % pour le SMIC + 8,6 % pour les pensions, chiffre auquel il faut soustraire les effets de l’augmentation du taux de CSG ce qui limite la progression nette à 6,9 % (8,6 -1,7).

En vigueur depuis 1993, la règle qui prévoit l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation est, depuis une dizaine d’années, régulièrement mise à mal en raison d’une sous-indexation pratiquée, chaque année, par les pouvoirs publics. Ainsi, en 2019, le gouvernement avait décidé de ne les revaloriser que de 0,3 %, alors même que l’inflation s’élevait à 1,8 %. Cela avait permis une économie de 2 à 3 milliards d’euros. Ce comportement de l’État conduisait les organisations syndicales à revendiquer une indexation par rapport à l’évolution des salaires des actifs. Face à la réapparition et la progression de l’inflation, l’UNSa est revenue très récemment sur ce positionnement . D’autre part, ainsi que le rappelle l’hebdomadaire La Croix : « Le Conseil constitutionnel avait toutefois censuré la possibilité de prolonger cette sous-indexation en 2020, forçant le gouvernement à revenir devant le Parlement. Finalement, Emmanuel Macron avait proposé une sous-indexation seulement pour les pensions supérieures à 2000 € jusqu’en 2021. » Le président candidat Emmanuel Macron avait promis, un mercredi d’avril sur TF1, que, s’il était réélu, les retraites seraient indexées sur l’inflation « dès cet été, compte tenu des prix, qui ont bondi de 4,5 % en un an ».

Plusieurs candidats proposaient, lors de la dernière campagne électorale présidentielle, de revenir à une stricte ré-indexation sur l’inflation, tandis que Jean-Luc Mélenchon proposait de revenir à une indexation sur les salaires, telle qu’elle s’était pratiquée en France de 1948 à 1987. Ce dernier positionnement qui était celui de la plus part des organisations syndicales n’a pas été repris par l’ UNSa Retraités, qui s’est engagée, lors de son dernier conseil national, à revenir vers une revendication d’indexation intégralement calculée sur la stricte inflation évaluée dans sa globalité. Peu de temps avant le premier tour de l’élection présidentielle, le Président candidat Macron promettait une mise à niveau des retraites face à l’inflation : « Compte tenu des prix, disait-il, je pense qu’il faut indexer les pensions de nos aînés dès cet été.» Sans autre précision, la notion « d’indexation » restait alors floue. Mais la formule laissait penser que les versements seraient bonifiés selon l’évolution des prix, telle que calculée au fil des mois par l’INSEE, de manière à préserver le pouvoir d’achat. Pour reprendre une image du magazine Marianne, « Le brouillard mit deux mois à se dissiper », le temps d’un débat parlementaire houleux sur le thème général de la défense du pouvoir d’achat.

Le gouvernement présente une revalorisation des retraites de 4 %, qui correspond au taux d’inflation, sauf qu’il s’agit du taux constaté au mois de mars et que l’inflation depuis s’est prise d’un galop. Qu’importe, nous dit le ministre de l’ Économie : il y aura une nouvelle revalorisation de 1% au mois de janvier se rajoutant aux précédents 4 %, cela fera 5 % pour une inflation évaluée à 5,2 %. Sauf que, là non plus, le compte n’ y est pas. Car le 1 % promis pour janvier l’est en application de la loi de 1993, stipulant que l’indexation des pensions s’effectue à chaque premier janvier (pour la petite histoire, la loi de 1993 prévoyait initialement une application de l’indexation au mois d’octobre afin que les travailleurs bénéficient des avancées salariales dès le 1er janvier ; en reportant, tous les ans, la date du 1er octobre au 1er janvier, le gouvernement au passage s’octroie des facilités de caisse pour boucler son budget !).

La revalorisation des pensions devait se concrétiser sur les bulletins de paye et les fiches de pension pour le 9 août. Or rien n’est arrivé et cela se comprend, parce que, à cette date, bien que la loi sur la défense du pouvoir d’achat ait été effectivement votée, les processus administratifs pour son application, dont la vérification par le conseil constitutionnel, n ‘étaient pas encore engagés. Selon toute vraisemblance, l’on pouvait s’attendre à une application concrète de la mesure à l’automne, avec une revalorisation des pensions à hauteur de 4 %, quand l’inflation atteinte dès septembre devrait se situer entre les taux de 6,5 % et 7 %. Taux revendiqué par l‘UNSa dès le mois de mars ! Le compte n’ y est donc pas ! Enfin, s’agissant des retraites complémentaires :

  • Pour le secteur privé : les retraites complémentaires Agirc / Arrco n’étaient pas concernées par la revalorisation immédiate de 4 %, puisque des négociations ont débuté entre les partenaires sociaux à l’automne et qu’ il n’ était à l’époque en rien assuré qu’ elles puissent déboucher sur une plus-value de 4 %, et a fortiori supérieure.
  • Pour le secteur public la mesure annoncée est simple, il n’ y aura pas de revalorisation du RAFP (Retraite Additionnelle de la Fonction Publique), système de prise en compte , depuis 2003, à hauteur de 20 % des revenus accessoires (primes, indemnités, avantages en nature) dans le calcul des droits à pension.

CONCLUSION : LE COMPTE N’ Y EST PAS !

Puisque :

  • L’ intégralité des titres de pension ne sont pas pris en compte.
  • Le taux prévisible d’inflation au jour du paiement est délibérément minoré.
  • La procédure mise en place par l’État pour honorer sa dette envers ses retraités corrobore pleinement notre conclusion, puisque ladite revalorisation a été opérée en deux temps, contrairement au secteur privé, les arriérés découlant de la rétroactivité au 1er juillet n’ayant été versés début novembre qu’avec la pension du mois d’octobre.
  • Il n’y a pas de petites économies.
  • À moins que le grand argentier ne rencontre des problèmes de trésorerie, à l’instar des seniors.

Par Patrick Lebrun Secrétaire national de la section des retraités UNSa SJ

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