La déclaration liminaire de l’UNSa SJ lue ce jour à la CAP des greffiers ce jour évoque le quotidien des greffiers, leur besoin de reconnaissance, les réformes statutaires en cours et le mal-être de la profession :
Reconnaissance et Bienveillance pour les greffiers !
Madame la Directrice,
Qu’est-ce qu’être greffier au sein des Services Judiciaires ?
C’est arriver tôt en juridiction, le plus souvent avant les magistrats, avant les justiciables, avant les avocats, avant les stagiaires afin de pouvoir traiter les dossiers sans être dérangé. C’est aussi partir tard, après l’audience terminée et les applicatifs métiers fermés.
C’est se rendre disponible pour les magistrats retenus les autres jours à leurs missions de rédaction. C’est répondre aux sollicitations régulières et parfois complexes des magistrats non professionnels et assimilés (DPR, conciliateurs, MTT, conseillers prudhommes, juristes assistants…). C’est assurer, en plus de ses missions, la formation des contractuels, des stagiaires, des vacataires, des détachements entrants, et désormais des SA nouvellement affectés sur des services juridictionnels en remplacement des contractuels qui mettent fin à leur contrat. Être greffier, c’est remplacer les adjoints administratifs qui ne sont plus recrutés pour effectuer les nécessaires missions d’exécution et même parfois les directeurs de service de greffe judiciaires qui sont débordés depuis la fusion des juridictions au 1er janvier 2020.
Être greffier, c’est souvent assurer seul les permanences week-end pour trois magistrats : Parquet, instruction, JLD. C’est renoncer au repos compensateur ou aux 11 heures de repos obligatoire pour tenir les audiences fixées de longue date. Être greffier, c’est renseigner, voire apaiser les justiciables qui doutent de leur Justice. C’est aussi répondre aux besoins pressants des auxiliaires de Justice.
Être greffier, c’est aussi durant sa formation de stagiaire à l’ENG devoir face à des inégalités de remboursements de ses frais de transports et de repas selon les SAR d’appartenance, et un remboursement forfaitaire non réévalué de la robe d’audience (304 euros) qui ne correspond plus au premier prix proposé par les artisans costumiers (environ 480 euros). Pour les collègues promus greffiers par examen professionnel, c’est aussi avoir un IFSE de stagiaire alors même qu’on bénéfice d’une titularisation dès sa nomination et qu’on assume en toute autonomie ses missions durant le stage de mise en situation professionnelle.
Être greffier, Madame la Directrice, c’est un très beau métier : une fonction au service des autres, un sentiment d’utilité, des tâches diversifiées qui supposent adaptabilité et polyvalence, une technicité quotidienne dans un monde judiciaire en perpétuelle évolution.
Là où le bât blesse pour l’UNSa Services Judiciaires, c’est que cet investissement de tous les jours, qui est trop souvent un sur-investissement dommageable à la santé des greffiers, n’est toujours pas reconnu à sa juste valeur ; Pire, il souffre même d’une déconsidération sur le terrain.
C’est aussi le parcours du combattant pour les greffiers en situation de handicap. Beaucoup d’entre eux ne disposent toujours pas d’un véritable accompagnement, avec parfois des référents handicap qui ont aussi la casquette d’autorité hiérarchique. Quant à leurs possibilités d’avancement spécifiques elles sont inexistantes à la différence d’autres ministères. Et quand ils dénoncent des défauts d’aménagements, ils sont davantage stigmatisés.
Certes, des avancées pour les greffiers se font jour au cours de ces derniers mois suite aux actions de l’UNSa Services Judiciaires. Ainsi, l’année 2023 a enfin vu la hausse de l’indemnitaire et du CIA des greffiers, la révision quadriennale et la régularisation de l’IFSE des principaux. En 2024, le protocole d’accord permet l’accélération de carrière avec la suppression ou la réduction de la durée de plusieurs échelons, la création d’un débouché de carrière en catégorie A (réclamé depuis deux décennies) avec une hausse significative de salaire pour un quart des effectifs essentiellement issus du statut d’emploi de fonctionnel ou du grade principal, ce qui aura pour conséquences d’ouvrir l’accès au principalat à beaucoup plus de greffiers.
Oui, ce sont des avancées significatives dans lesquelles l’UNSa Services Judiciaires a dû peser de tout son poids pour les obtenir au forceps. Mais, Madame la Directrice, nous vous l’avons toujours dit : cela ne suffit pas pour concrétiser la reconnaissance tant attendue et légitime !
Peut-on, malgré les efforts consentis ces derniers mois et pour la période à venir des JO, parler de reconnaissance lorsque :
. la durée légale du travail n’est volontairement pas respectée.
. les heures supplémentaires payées ne correspondent pas à celles réellement effectuées (non paiement des heures au-delà de 25h mensuelles).
. les actions de formation des stagiaires assurées par les greffiers ne sont pas rémunérées (alors qu’elle sont prévues pour d’autres corps).
. les 75% de régularisation de l’IFSE des principaux prévus en 2024 ne sont toujours pas versés cinq mois après le début de l’année.
. les primes JO envisagées pour les greffiers mobilisés et privés de congés estivaux en famille seront non seulement moindre que celles des fonctionnaires des autres ministères mais aussi imputées sur le budget de leur CIA.
. le nombre de NBI accordé aux greffiers n’augmente pas malgré l’augmentation des effectifs ce qui génère des rémunérations différentes à missions égales.
. les outils informatiques du greffe continuent depuis des années à dysfonctionner dans l’indifférence générale (aucune réponse apportée), voire pire : avec des injonctions à doubler les cadences de travail.
. les greffiers ou même les stagiaires qui ne parviennent pas à développer un don d’ubiquité s’entendent dire qu’ils sont mal organisés, voire incompétents (ce qui amène cette CAP à examiner des demandes de non titularisations).
. les agents à temps partiel continuent de se heurter à l’incohérence de la règle Fonction Publique leur interdisant de bénéficier du paiement majoré de leurs heures supplémentaires, sans que la DSJ ne prennent fait et cause pour ses agents.
. les greffiers se sauvent vers d’autres ministères, tombent d’épuisement les uns après les autres, ou mettent fin à leurs jours sans que rien de change sur le terrain, au sein de nos ressorts.
Madame la Directrice, les greffiers sont à bout.
Ils sont compétents et motivés mais ils sont extrêmement fragilisés par les efforts demandés depuis des années. Il faut cesser de faire systématiquement appel à leur loyauté et leur dévouement car ils sont en souffrance :
« Je n’en peux plus, la fatigue, la surcharge psychique, le ras-le-bol, jusqu’à quand pourrons-nous tenir ? » ;
« Je me sens submergée et dépassée par la quantité de travail que l’on attend de moi » ;
« La surcharge de travail s’installe à long terme : audiences qui s’alourdissent et se multiplient pendant les vacations, services désorganisés, tout cela engendre du stress. Il y a un épuisement et un mal-être de tout le monde mais on nous sollicite constamment en jouant avec notre sens du service public »
…
[Extraits de Registres Hygiène, Santé, Sécurité et Conditions de Travail]
De plus en plus de collègues se retrouvent en arrêt de travail du fait d’un management toxique, parce qu’ils osent dénoncer leurs conditions de travail ou seulement dire qu’ils n’en peuvent plus… De plus en plus de médecins mettent en lien ces arrêts avec les conditions de travail et vous allez au-devant de plus en plus de demandes de reconnaissance de maladie professionnelle qui pèseront elles aussi sur notre ministère. Les effectifs promis ne suffiront pas à venir bout de cette souffrance : le fossé sera d’avantage creusé entre le greffe et les magistrats qui bénéficieront du renfort des 1.100 futurs attachés de justice.
L’UNSA Services Judiciaires demande une véritable reconnaissance de l’implication des greffiers via une prise de conscience collective, de tous les acteurs du monde judiciaire qui doit s’accompagner d’un changement des pratiques injustes qui datent souvent d’un autre temps.
L’UNSA Services Judiciaires demande également un vrai plan d’actions contre la dégradation des conditions de travail, qui prennent en considération le facteur humain en lieu et place des seuls facteurs statistiques.
A défaut, la profession de greffier continuera de générer souffrance et mal-être, avec la multiplication des drames comme on en connaît désormais trop souvent.
PDF de la DECLARATION LIMINAIRE UNSA SJ – CAP 14 mai 2024
Compte rendu :
Ce 14 Mai, s’est tenue la 2ème CAP des Greffiers de l’année présidée par Sylvie BERBACH, Sous-Directrice des ressources humaines des greffes.
Dans sa déclaration liminaire, l’UNSa SJ a porté, et rappelé, certains sujets d’actualité, auxquels la Directrice a répondu :
Sur les mesures indemnitaires :
– le rattrapage IFSE des greffiers principaux : la mise en paiement des 75 % restant à percevoir se fera courant de l’été, avec rétroactivité au 1er janvier 2024. L’UNSa SJ a exprimé son incompréhension sur ce point car nous attendions un rattrapage à compter du 1er janvier 2023. La Sous-Directrice a indiqué qu’elle ne partageait pas l’interprétation de l’UNSa SJ et que rien à ce jour n’obligeait la DSJ à procéder à cette régularisation.
– Sur l’IFSE : Madame la Sous-Directrice annonce la fin du principe de diminution automatique de l’IFSE lors d’une mobilité descendante (c’est à dire lorsque la mobilité entraine une perte indemnitaire). La revalorisation quadriennale est renouvelée en 2024 et les montants du CIA 2023 sont reconduits également. Ces mesures s’appliqueront également aux greffiers fonctionnels qui réintègreront et seront applicables dès la campagne de mobilité en cours avec prise de fonction au 1er septembre 2024.
Primes JO :
L’UNSA SJ souhaitant savoir si les primes JO seront imputées sur l’enveloppe CIA, Madame la Sous-Directrice s’est voulue rassurante tout en précisant qu’elle était toujours dans l’attente du visa du contrôleur budgétaire. Aucune autre information ne nous a cependant été transmise sur le montant et les critères d’attribution.
NBI :
Madame la Sous-Directrice reconnaît que la revendication portée par l’UNSa SJ est un vrai sujet et nous assure porter prochainement auprès de la fonction publique, via le secrétariat général, cette révision de la cartographie de la NBI qui sera impactée par les recrutements à venir de greffiers.
L’UNSa SJ regrette que ce dossier soit traité tardivement, après plusieurs mois d’exercice de leurs fonctions par les collègues concernés.
Indemnitaire des stagiaires issus de l’examen professionnel :
L’UNSa SJ a relancé la DSJ sur la question de la baisse d’IFSE de ces stagiaires. La Sous-Directrice nous a indiqué que la question est toujours en cours d’analyse par ses services.
Suites du protocole :
Sur le plan de requalification de C en B greffier : la sous-direction des greffes souhaite le recrutement de 700 adjoints administratifs sur trois ans afin de compenser les départs des agents qui deviendront greffiers au choix sur poste.
– Accès au grade principal : la DSJ travaille à la simplification de l’examen professionnel pour l’accès au grade de greffier principal, davantage axé sur la procédure dès 2025.
– La création du Cadre-Greffier : les travaux sont actuellement en cours. Le projet de décret est soumis à la validation de la DGAFP, à l’issue de laquelle il devra être présenté au CSA ministériel puis pour avis au Conseil d’Etat. L’UNSa SJ est engagée dans la coconstruction de ces nouveaux statuts et particulièrement vigilante sur leur formalisation au sein du comité de suivi chargé de veiller à la mise en place du protocole.
Sur les conditions de travail :
la DSJ répond aux alertes de l’UNSa SJ qui dénonce la souffrance des agents qu’elle est consciente du malaise qui touche les greffiers. Elle annonce la création d’un bureau « Santé, Qualité de Vie au travail et Handicap », la mise en œuvre d’un plan de prévention des risques professionnels et l’engagement de futurs travaux pour lutter contre les audiences tardives.
Concernant ESTEVE :
La campagne d’évaluation a été prorogée sur une durée plus courte cette année afin que le versement du CIA puisse intervenir plus tôt dans l’année (le CIA étant en lien avec l’évaluation). Pour rappel, la clôture d’ESTEVE n’empêche pas la signature de son CREP par l’agent après cette date, ni la rédaction d’observations, ni les éventuels recours. L’informatique n’est jamais une condition de recevabilité. Trop de collègues s’auto-censurent sur cette question ou sont pressés à tort par leur hiérarchie pour signer. N’hésitez pas à vous renseigner auprès de l’UNSa SJ.
Sur le non-paiement des heures supplémentaires (Marseille au-delà de 25h pendant les émeutes et Bordeaux sur les heures majorées) :
L’UNSa SJ a relancé la sous-direction des greffes : les dossiers sont toujours en cours d’étude par la DSJ.
Concernant la commission sénatoriale sur la lutte contre les narco trafiquants qui évoque la corruption d’agents publics :
La probité des greffiers a pu être mise en cause dans la presse. Madame BERBACH réaffirme sa confiance envers les greffiers et précise que le Garde Des Sceaux a déjà fermement réagi suite à ces mises en cause.
Lors de cette CAP, ont été étudiés :
– les rapports pédagogiques des greffiers stagiaires de la promotion B2022 C03
– la titularisation de greffiers recrutés en qualité de travailleurs handicapés issus de la promotion B2022C03
– des recours sur évaluation
– des refus d’octroi de congés de formation professionnelle.
N’hésitez pas à nous saisir : il est dommage que des recours évaluations soient déclarés irrecevables (ils nécessitent un formalisme très rigoureux dont l’UNSA SJ a l’expertise) ou que des congés formation soient rejetés, faute d’être défendus.
Toujours à vos côtés, l’UNSa SJ défend vos droits et fait entendre votre voix.
PDF du CR CAP Greffiers 14.05.2024
Les élus UNSa SJ à la CAP des greffiers
Catherine SOLIVELLAS – Isabelle FERNANDEZ- Franck LE GUERN – Sandra CHARLIER –
Caroline LARCHE – Gilles LARIVIERE – Guilaine LEFEBVRE – Marina GARCIA –
Et leur expert Caroline BARTHEL